Bonjour à tous, à l'occasion du salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, j'ai eu l'opportunité d'interviewer Shannon Messenger, auteur des séries Gardiens des cités perdues et de Let the sky fall. Elle s'est très gentiment prêtée au jeu des questions réponses. Merci aux éditions Lumen, à Emily et à Cécile pour la traduction et à Karline pour m'avoir accompagnée.
* Les deux séries sont destinées à deux catégories d'âge différentes, du coup est ce que vous avez des préférences pour l'une ou l'autre dans l'écriture, de quelle manière écrivez-vous chacune des séries ?
SM : Ce qui est marrant et un peu paradoxal c'est que quand il s'agit de parler du processus de l'écriture, le plus difficile est Gardiens des cités perdues alors que le plus fun, le plus marrant à écrire c'est Let the sky fall. Par contre, du côté promotion, aller à la rencontre des lecteurs.... le plus facile est pour les Gardiens, j'ai souvent des enfants surexcités en face de moi, certains ont même lu le livre des dizaines de fois, viennent habillés en costumes ce qui est génial alors que les adolescents sont un peu plus timorés. Pour ce qui est de l'écriture, la différence n'est pas flagrante, je ne me mets pas dans la peau d'une jeune fille de 13 ans ou dans celle d'un garçon (ou d'une fille) de 17 mais dans celle de Sophie et de Vane (ou d'Audra). Je ne m'arrête pas à leur classe d'âge, l'intérêt est plutôt dans la question "en temps que personnages qu'est ce qu'ils feraient".
* On a deux jeunes filles qui ont des caractères très forts, qui ne se laissent pas abattre et un garçon qui est un peu perdu au départ et qui évolue énormément dans le premier tome de Let the sky fall. Qu'est ce qui est le plus facile, écrire la voix d'une fille ou d'un garçon ?
SM : Très étrangement le point de vue du garçon me vient plus facilement, ce qui est vraiment une surprise étant donné que je suis une fille plutôt féminine et que je n'ai pas de frère. Je pensais au départ que ça allait être un vrai challenge d'écrire des voix de garçons mais par exemple à chaque fois que Keefe (Gardiens des cités perdues) apparait, ça sort tout seul, les blagues etc et je me dis "mais d'où ça sort?". Et pareil quand Vane (Let the sky fall) entre en scène, je n'en reviens pas de lui avoir fait dire ça ou faire ça. Donc au final les voix des garçons me viennent plus facilement, sans doute parce que je mets plus de réflexion dans l'élaboration des personnages féminins alors qu'avec les garçons je me dis "amusons-nous".
* Il y a des créatures surnaturelles dans les deux séries très différentes, les deux mondes ne se ressemblent pas, pourquoi ces créatures, avez-vous des affinités particulières ? Les elfes sont des créatures de la mythologie qui existent alors que les sylphes sont inventées, est ce que vous avez des préférences ?
SM : Pour les Gardiens, je voulais des créatures qui soient assez familières mais les présenter d'une autre manière, les réinventer presque. Au départ le livre devait être avec des fées (ou fey) mais au final je me suis tournée vers les elfes, c'était ce livre-là que j'avais envie d'écrire. J'ai donc fait pas mal de recherches sur les elfes et c'est mon amour pour Legolas dans le Seigneur des anneaux qui m'a inspirée (spécialement quand il est joué par Orlando Bloom). J'avais tout un savoir et une mythologie qui existait et je pouvais choisir ce qui me plaisait et écarter ce qui ne me plaisait pas ce qui était marrant. Ensuite quand j'ai été dans le processus de vendre cette histoire à un éditeur, processus qui est assez lent, pour rester saine d'esprit, on conseille souvent aux jeunes auteurs de commencer à écrire autre chose. Je me suis donc lancée dans quelque chose de très différent pour me vider la tête et continuer d'avancer en attendant les retours et j'avais été attirée par les sylphes alors que j'écrivais Gardiens, il n'y avait vraiment aucune mythologie autour de cette créature et j'avais vraiment très envie de cette différence, de changer de champ et je me disais que ça n'était pas seulement personnel mais que ça apportait aussi un plus à l'ouvrage de ne pas être étiquetée dans une petite case et garder plusieurs cordes à mon arc.
* Il y a normalement 5 tomes dans la série Gardiens et 3 tomes pour Let the sky fall. Ça n'est pas trop difficile de passer de l'un à l'autre, de changer complétement de monde ? Est ce que vous avez d'autres choses en même temps ?
SM : 3 c'est définitif pour Let the sky fall, pour les Gardiens c'est normalement 5 mais à voir.... Le changement n'est pas difficile pour moi étant donné que ce sont deux mondes très différents. L'un est écrit à la première personne, l'autre à la troisième personne et l'un est au présent, l'autre au passé. Ajouter les deux ça commence à faire beaucoup donc parfois la grammaire devient un petit peu piégeuse parce que je dois vraiment retrouver le réflexe d'écrire au présent ou au passé. En fait, l'autre chose est que je ne les écrit pas en même temps donc ça aide mais quand je faisais la promotion des Gardiens, j'étais en plein dans l'écriture de Let the sky fall. Donc je parlais des Gardiens toute la journée, je l'avais bien en tête et c'était donc un petit peu dur d'écrire en même temps sur une série bien différente. C'est pour ça que le T3 de Let the sky fall est arrivé un tout petit peu en retard parce qu'il a fallu que je gère tous ces aspects là.
J'ai un demi livre totalement différent qui est déjà écrit, le souci est que j'ai beaucoup de travail, des tournées de promotion dans tous les USA pour Gardiens et j'ai des dates limites donc je n'ai pas le temps vraiment d'écrire autre chose. Mais parfois j'ai un besoin réel d'écrire et de faire un break par rapport à toutes ces activités donc pour l'instant j'écris cette série pour moi-même. Peut être qu'elle sera publiée un jour, je n'aime pas trop l'idée d'être mise dans une petite case donc c'est un livre très différent des deux premiers tout en espérant que ça ne soit pas trop différent, les éditeurs aiment bien avoir une "régularité" dans ce qui est publié donc à voir, ça sera peut être un projet personnel ou autre chose....
* Est ce que vous connaissez à l'avance la fin de la saga quand vous commencez l'écriture du premier tome ? Ou est ce que vous vous laissez porter par les personnages au fur et à mesure de l'écriture ?
SM : Oui et non. J'ai une longue liste sur ce que j'aimerai faire, d’événements possibles que je peux mettre en travers de la route de mes personnages. L'histoire a le potentiel d'être plus ou moins compliquée, plus ou moins longue. Je sais où je vais, je connais la fin, que je prenne le chemin le plus court ou le plus long. Donc grosso modo pour les Gardiens, le fait qu'il y ait un tome supplémentaire ou pas vient du fait que je prends chaque livre tour à tour, en essayant de le rendre le plus intéressant possible et en voyant quelle proportion de l'intrigue je peux mettre à l'intérieur. Le nombre de tome dépend du fait que tant que j'ai l'impression de faire quelque chose de frais et vivant, il faut que je fasse vivre les personnages, ce que je vois à chaque fois avec mon éditeur en fonction du besoin. Pour Let the sky fall, je savais dès le départ que ça serait une trilogie et ça n'a jamais vraiment bougé.
* Karline : Quelles sont vos activités à côté de l'écriture ?
SM : Avec le fait d'écrire 2 livres par an c'est un sacré rythme, parfois je n'ai même pas le temps de dormir, il m'arrive pourtant de dessiner (enfin de gribouiller) et de lire quand je le peux. Et aussi de dormir de temps en temps.
Encore un immense merci aux éditions Lumen et à Shannon Messenger pour cette magnifique rencontre !